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6 septembre 2010

Macareux en 1817

macareux_buffon_1780

Buffon 1783

Morlaix, le 2 juillet 1817

[…]On les appelle les Sept-Iles. L’une d’elle, L’ile Rousic, vis-à-vis Perros, est peuplé par les macareux qui y viennent au printemps pour faire leur ponte. Alors, l’ile entière est couverte de ces oiseaux qui l’affectionnent parce que la terre en est meuble et légère, et qu’ils ont la flaccidité de s’y creuser des trous. Cependant, pour s’éviter cette peine, ils s’emparent quelquefois du terrier d’un lapin qu’ils chassent de son logis à l’aide de leur bec tranchant. Le malheureux propriétaire, sans asile, est alors obligé d’errer sur la plage jusqu’à l’époque où ces usurpateurs quittent l’ile et retournent à Terre-Neuve avec leur progéniture.

portrait_macareux_

Il est assez difficile de concevoir comment le macareux, dont les ailes sont courtes et le corps pesant et qui, dans ses migrations, ne s’arrête jamais, dit-on, peut accomplir un aussi long trajet. Probablement qu’il ne met pas plus de cinq à six jours dans s traversée, et dès-lors qu’il fait au moins deux cents lieues par chaque vingt-quatre heures. Il profite toujours pour partir, d’un temps fait et d’un vent favorable. Toutefois, en ceci les animaux se trompent comme les hommes, et les milliers de cadavres de ces oiseaux voyageurs que rapporte la vague après les tempêtes ou les changements subits des vents, prouvent que leur prudence mise en défaut ne les préserve pas toujours d’accidents.

A l’entrée du terrier du macareux, on voit son œuf qu’il vient exposer au soleil. Cet œuf est à peu près de la grosseur de celui d’une poule. Lorsqu’on approche pour s’en saisir, l’oiseau sort fièrement du trou, et se présente pour le défendre. A l’aide de son bec dur et tranchant, il parvient souvent à repousser son adversaire, fût-ce un homme. Il rentre alors dans son terrier, entrainant l’œuf qu’il pousse légèrement en arrière, sans cesser de faire face à l’ennemi.

Du reste, la chasse est facile et toujours fructueuse, pour peu qu’on en ait l’habitude. Dans ces iles, qui semblent être le quartier-général des volatiles de mer, on pourrait en tuer, dans un jour, la charge d’un bateau.

Quant à moi, chasseur inhabile, étourdi par cette multitude d’oiseaux criards qui m’entouraient comme une nuée de moustiques, je ne leur faisais pas grand mal, car je ne savais de quel côté diriger le canon de mon fusil.

En butte aux sarcasmes de mes compagnons mieux acclimatés ou plus adroits, je pris un bâton, et je me moquai d’eux à mon tour, car le produit de ma chasse eut bientôt excédé le leur.

Le grand pingouin apparait, dit-on, de temps en temps sur cette côte. On sait qu’il ne vole pas ; il arrive ainsi du nord en nageant et en plongeant. Ceci a pu avoir eu lieu autrefois, mais aujourd’hui que cet oiseau est devenu rare, je doute fort qu’il se montre encore en Bretagne.

Au printemps, les pêcheurs vont parcourir les rochers et les îlots du littoral pour y recueillir des œufs qui, lorsqu’ils ne sont pas couvés, sont une assez bonne nourriture : c’est, pour eux, la manne du désert.

Les débris de naufrages sont poussés vers les Sept-Iles. Cette mer, hérissée de rochers, est une des plus orageuses du monde. Pendant la tempête, les lames s’y élève à une hauteur que je n’ai pas vue ailleurs.

macareux13

Un jour,  nous partîmes de Perros pour aller à l’ile Rousic. Au moment où nous sortons de la rade, nous vîmes rentrer les pêcheurs ; ils prévoyaient le gros temps. Notre embarcation était un canot non ponté, de 18 pieds de quille. L’équipage consistait dans le pilote et trois matelots. A environ une lieue au large, nous fûmes accueillis par un grain. Le pilote me demanda s’il fallait continuer. Je lui dis de tâcher de nous mettre à l’île la plus voisine. Mais la brume qui s’éleva, nous la fit perdre de vue. Bientôt nous cessâmes de voir le continent, quoique nous n’en fussions pas à deux lieues. Le vent augmentait de moment en moment, et la pluie tombait par torrents. Nous étions au milieu du chenal ; La mer, resserrée entre la côte et les Sept-Iles, y est toujours fort houleuse. En cet instant, elle était terrible. Les matelots commençaient à faire des signes de croix, et les Bretons ne s’intimident pas facilement. Notre situation était effrayante. Plusieurs fois la mer nous couvrit entièrement ; nous étions littéralement entre deux eaux : à tout instant, nous nous attendions à êtres engloutis.

Enfin, le temps s’éclaircit. Nous sortîmes des brisants, nous trouvâmes une mer plus tranquille. Vers dix heures, nous abordâmes à Rousic. Je montai sur le point le plus élevé de l’île ; la brume était dissipée. Le spectacle était magnifique : les vagues, se brisant contre les rochers, s’y perdaient en vapeurs blanches. Le soleil, qui reparaissait par moment à travers les nuages dont il rendait la teinte plus sombre, formait un contraste étrange.

Le vent mugissait toujours. Les macareux, effrayés et sortant par milliers de la terre minée par leur terriers et qui enfonçait sous nos pas, volaient silencieux, et se croisaient en tout sens, se heurtant contre nous, puis s’abatant dans nos jambes. Les coups de fusil qu’on tirait pour éloigner cette troupe incommode, produisaient l’effet contraire : une multitude d’autres oiseaux venaient tourbillonner autour de nous avec n bruit assourdissant.

Vous voyez que les macareux ne sont pas les seuls habitants ailés de Rousic : les hirondelles et pies de mer, les mouettes, les goélands, les cormorans y son aussi en grand nombre, et l’on ne peut faire un pas sans rencontrer des œufs sur le gazon ou même sur le roc vif. Là, le les apercevant pas toujours, nous y fîmes plus d’une omelette.

On trouve aussi à Rousic, mais non fréquemment, des nids de faucons, et de la meilleure espèce. Le soir, la mer redevint calme, et nous retournâmes à Perros.

Ce texte est un extrait d’une lettre de M. Boucher de Perthes

Edité en 1863 dans « souvenirs de 1791 à 1860 »

M. Boucher de Perthes était en 1817 directeur des douanes à Morlaix.

D’autres lettres relatant des interventions maritimes des douanes sont intéressantes  et seront mise en ligne sur le blog.

Pierre-Yves

macareux_2

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Commentaires
P
C'est assez étonnant (et triste) de voir à quel point la population de macareux a régressé aux 7 iles et qu'il y a 2 siècles il ne semblait pas y avoir le moindre fou de bassan à rouzic!<br /> <br /> Quelques infos supplémentaires sur les macareux:<br /> <br /> La population mondiale de macareux moines est estimée à 6 millions de couples, dont plus de 90 % en Europe, avec 2 à 3 millions en Islande.<br /> <br /> En 1950, le macareux compte probablement plus de 7 000 couples, répartis entre au moins une quinzaine d'îlots de Bretagne, et essentiellement concentrés aux Sept-Îles (Côtes-d'Armor). Vingt ans plus tard, il n'en reste qu'un peu plus de 900, et quelques colonies ont disparu. Le déclin se poursuit jusqu'au début des années 1980, et depuis lors les effectifs tendent à se stabiliser aux Sept-Îles. Les dernières colonies du Finistère, en baie de Morlaix et à Ouessant, ne comptent plus que quelques couples et paraissent vouées à une disparition inéluctable. Ne subsistera plus que l'archipel des Sept-Îles comme lieu de reproduction de l'espèce en France, limite méridionale de son aire de reproduction européenne.<br /> <br /> Le déclin rapide des macareux moine en France au début du XXe siècle peut sans conteste être attribué pour partie à l'homme, et notamment aux massacres effectués à des fins ludiques sur les colonies (la chasse n'a été interdite qu'en 1911). Il semble cependant que des modifications de l'environnement marin dans l'Atlantique nord, liées au réchauffement des eaux jusqu'aux années 1950, ont contribué à une large échelle à la diminution des populations de l'espèce.<br /> <br /> La distribution plus pélagique du macareux le rend vraisemblablement moins vulnérable aux hydrocarbures que le guillemot de Troïl et le petit pingouin, sauf lorsque la marée noire affecte les environs immédiats des colonies. Pour les mêmes raisons, l'impact des filets de pêche apparaît également moindre que pour les deux autres espèces. La principale menace est liée à des modifications du milieu marin et de la disponibilité des stocks de poissons, conséquences de phénomènes naturels ou de la surexploitation des ressources halieutiques.<br /> <br /> Essentiellement présente sur les îlots des Sept-Îles, la population bretonne de macareux sera de plus en plus vulnérable à tout impact extérieur, de type marée noire ou modification des ressources alimentaires. De plus, le développement constant de la colonie de fous de Bassan sur Rouzic affecte progressivement les macareux en empiétant sur leurs secteurs de reproduction. Et l'augmentation des effectifs sur Malban et la colonisation de Bono en sont peut-être une conséquence. <br /> <br /> La population actuelle de macareux au 7 iles est d'environ 160 couples.
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