Un surprenant convoi dans le chenal des Sept Iles
Chenal des sept Iles, carte de Belin 1764
Quelle stupeur, en ce beau matin du 13 juillet 1690, quand les pêcheurs de Ploumanac’h ont aperçu, arrivant de l’ouest faisant route par le sud de la Méloine et des Triagoz, une flotte étrange.
Bien sur, les pécheurs de Ploumanac’h ont l’habitude de tirer sur les avirons, pour aller à la pêche avec leur frêles canots. Mais la, même les plus anciens qui ont navigués sur les vaisseaux du roi, n’ont, certainement, jamais vu cela, quinze grands navires, bas sur l’eau ,avançant rapidement, propulsés par une cinquantaine de rames de plus de douze mètres, chacune mue par la force de cinq gaillards.
C’est une flotte de quinze galères faisant route, par étapes, de Rochefort à Cherbourg.
Elles sont parties, ce 13 juillet 1690, à quatre heures du matin de la baie de Morlaix elles arriveront à trois heure de l’après midi à l’embouchure du Trieux pour un y mouiller à proximité de l’île à bois
Trois galères au mouillage
Des galères, ces bâtiments spécifiques de la marine du levant, mais que font elles en manche ?
Depuis 1689, une coalition des royaumes d’Angleterre, de Hollande et d’Espagne est en guerre contre le royaume de France de louis XIV. Le secrétaire d’état à la marine, Seignelay, concentre les forces maritimes sur les côtes du ponant.
Un projet d’amener quinze galères depuis Marseille est lancé, ce projet ne peut aboutir, car la navigation des galères exige de fréquentes escales et l’Espagne est en guerre. Les galères seront, alors, construites à Rochefort, L’ordre est donné, la construction ne doit pas durer plus de dix mois.
L’arsenal de Rochefort et ses charpentiers n’ont jamais construit de Galère. Jean baptiste Chabert maitre constructeur des galères du roi à Marseille arrive avec ses équipes de charpentier à Rochefort.
La quantité de matériaux nécessaires est énorme, Mille rames de 12,60m seront réalisées en hêtre sous la direction de charpentier spécialisé les rémolats. Pour le gréement chaque galère a huit voiles soit un total de 120 voiles qui seront réalisées en deux mois en cotonnine, grosse toile de coton utilisée uniquement en méditerranée, sous la direction de trois comites marseillais.
De 550 personnes à 700 personnes travaillent uniquement à la construction de ces galères.
Dix mois après de début de la construction, début mai 1690 les 15 galères sont prêtes.
La chiourme
La chiourme, le moteur principal des galères est « réglée » à 295 hommes par galère : 80 mariniers volontaires, 75 Turcs, réputés pour leur force et leur expérience et 140 forçats. C’est en tout plus de 5000 hommes qui viendront de Marseille pour armer cette flotte.
Les galères appareillent de Rochefort, le 14 juin, la remontée vers Cherbourg sera lente, elle ne navigue que par beau temps, et le maitre de l’escadre est très prudent, les côtes ont d’ailleurs été spécialement décrites et cartographiées pour cette expédition.
Le 10 juillet elles appareillent de Brest. Elles rateront, ce jour, la bataille navale de Béveziers perdue par les Français Le sort de cette bataille navale aurait pu être différent si quelques galères y avaient participé.
Elles étaient prévues pour remorquer les vaisseaux, pendant les combats en cas de calme ainsi que le remorquage rapide de chaloupes pour le débarquement de troupe en territoire ennemi.
Ce sera d’ailleurs la seule action glorieuse de cette flotte avec un débarquement de 1000 soldats en rade de Torbay le 31 juillet.
Galère, album de Colbert 1670
Cette flotte de galère peu adaptée aux conditions de navigation en manche et mal utilisée sera désarmée à Rouen et les chiourmes reconduites en méditerranée. Seule deux galère seront réarmées, après modification pour pouvoir fonctionner avec 150 rameurs, à Saint-Malo contre les corsaires Jersiais.
En conclusion, malgré une construction superbement mené presque sous forme d’un projet industriel, cette flotte de galère du ponant sera un échec.
Pierre-Yves
Pour imaginer le fonctionnement d’une galère, cette superbe animation en images de synthèses
http://www.youtube.com/watch?v=YYxrbtuyNG0&feature=player_embedded
Annexe 1 : Navigation en escadre
Les galères naviguèrent de cette manière
La Glorieuse
Commandante, au milieu de toutes, avancée des autres d’un corps de Galère
La Triomphante |
La sublime |
La Constante |
La Palme |
La Bellone |
La Martiale |
La Prudente |
La Combattante |
La précieuse |
L’Heureuse |
La Néreide |
L’Emeraude |
La Marquise |
La Sensible |
Annexe 2 : Journal de bord du 13 juillet 1690 :
« Le 13ème, on partit de Morlais à quatre heures du matin, calme ; le vent se mit à E-S-E foible. On ne laissa pas de gagner la rivière de Pontrieu, où l’on mouilla à trois heures de l’après-midy, par neuf brasses, au S-E de l’Isle au Bois. Cinq Galères allèrent mouiller dans la rivière de Aquatmen ( ?) par les quatre et cinq brasses. Les galères, avec une chiourme fatiguée par six heure de vogue continuelle, ne laissèrent pas de faire deux lieeues et demy en quatre heures de temps, contre un vent par proue à quatre miles par heures et contre la marée «
Sources :
Album de Colbert 1670
La navigation des galères de Ponant de Rochefort à Cherbourg de Charles Bréard édité en 1893
Essais de pratique industrielle dans la construction navale au XVIIe siècle René Burlet; José-Paul Verne (web http://www.persee.fr)
Site de Gérard Delacroix, auteur de monographies et modéliste naval émérite
http://gerard.delacroix.pagesperso-orange.fr/sommaire.htm
Galère Pierre Puget 1655